Le démantèlement ou la faillite. Pour Dexia, les gouvernements français et belges ont opté pour la première solution, après un week-end de négociations qui s’est terminé à 3 heures du matin lundi 10 octobre. Le plan de sauvetage comprend trois étages. D’abord la reprise par l’Etat belge de la filiale de banque de détail en Belgique pour 4 milliards d’euros. Ensuite, la mise en place par les états belge et français d’une garantie de 90 milliards d’euros, sur des actifs obligataires qui plombent le bilan. Enfin, si les négociations aboutissent avec la Caisse des Dépôts et la Banque Postale, la création d’une nouvelle banque dédiée aux collectivités locales françaises.
Certains administrateurs sont restées bouche bée lors de la présentation du plan au conseil. Dexia n’avait-elle pas déjà été "sauvée" par les états français, belge et luxembourgeois, fin 2008? En échange d’une injection de capitaux de 6 milliards d’euros et d’une garantie apportée sur le financement, la Commission européenne avait imposé à la banque une restructuration drastique. Menée par le flamand Jean-Luc Dehaene, le président, et le corse Pierre Mariani, l’opérationnel, cette cure a abouti à une diminution de 73 milliards d’euros du bilan et à une baisse sensible des besoins de financement à court terme. De 265 milliards d’euros fin 2008, ils s’élèvent aujourd’hui à 96 milliards. Une amélioration qui suscitait en avril dernier une bouffée d’optimisme de Pierre Mariani: "nous avons retrouvé notre pleine autonomie de financement, attestant de la solidité des progrès accomplis en termes de structure financière."
Mais la structure est resté plombée par des actifs à risque. "Le stock est passé de 40 milliards en 2006 à 265 milliards fin 2008, mais aucun des titres de ce portefeuille n’a été acquis après cette date", précise Pierre Mariani. Aujourd’hui réduit à 125 milliards l’encours est constitué de 96 milliards d’euros d’obligations, dont 24,5 d’obligations du secteur public local, 15,8 milliards de dettes souveraines, 15,6 milliards d’obligations bancaires. Le problème est que Pierre Richard et Axel Miller, les prédécesseurs des dirigeants actuels, ont acheté ces titres à long terme grâce à des ressources collectées à court terme. Pour les garder au bilan, il fallait renouveler ces ressources fréquemment, en allant les chercher auprès d’autres banques. Ce financement s’étant tari ces derniers mois, la Banque Centrale Européenne (BCE) est venue à la rescousse. "Dexia ne disposait plus d’actifs pouvant être apportés à la BCE en échange de liquidités, raconte un banquier d’affaires parisien. Les banques centrales belges et françaises ont dû jouer les pompiers début septembre."
Dommage que ce problème de liquidité, vrai talon d’Achille du groupe, n’ait pas été traité plus tôt. "La recapitalisation de fin 2008 était une solution inappropriée, juge aujourd’hui Pierre Mariani. Nous avions un problème de liquidité, pas de solvabilité." La banque a en effet passé haut la main les stress tests européens en juillet 2011, ceux-ci ne mesurant ni le risque de liquidité, ni le risque de défaut de la Grèce qui représente une exposition de 3,5 milliards d’euros pour Dexia.
Jean-Luc Dehaene et Pierre Mariani mettent clairement en cause l’héritage du passé et la crise de la zone euro pour expliquer la chute de la banque. "Au bout de trois ans, on ne peut pas s’exonérer de toute responsabilité dans la gestion de la situation, juge Christophe Nijdam, analyste chez AlphaValue, Dexia a changé plusieurs fois la présentation comptable de ses métiers depuis 2009, ce qui a nuit à la visibilité sur la stratégie." De plus, le combat larvé pour la prise de pouvoir entre Français et Belges n’a pas facilité la conduite du groupe. Plusieurs poids lourds de Dexia Belgique ont quitté le bateau en septembre, notamment en raison de désaccords avec Pierre Mariani. "J’assume la situation et je ne suis pas du genre à fuir mes responsabilités en cas de difficultés", répond celui-ci lorsqu’on évoque son éventuel départ.
(Source : Irène Inchauspé - Challenges).