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mercredi, 27 février 2008

Pour faire sortir Ingrid de la Nuit

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La nuit , toute chose prend sa forme et son véritable aspect. De même qu'on ne distingue que la nuit des étoiles du ciel, on aperçoit alors sur la terre bien des choses qu'on ne voit pas le jour.
Nous sommes réunis ce soir, à la tombée de la nuit, pour rappeler au monde que notre compatriote Ingrid Bétancourt est sous l'emprise des FARC depuis six ans jour pour jour.
La nuit n'a pas le même sens pour chacun d'entre nous. Nuit douce pour certains, rassérénantes pour d'autres, nuit où la brise légère se fait apaisante, comme au pays des Mille et une Nuits, la nuit peut aussi être une épreuve pour de nombreuses personnes.
Pour d'autres donc, la nuit peut être écrasante, angoissante au point de devenir Traversée. Depuis six ans maintenant, notre soeur Ingrid appréhende l'expérience de la Nuit.
A l'inverse de la nuit colombienne, dans nos sociétés européennes, la découverte du feu puis l'utilisation des torches et de l'électricité ont repoussé les limites de l'obscurité.
Alors, puisque nos nuits sont faites de lumière, vous êtes venus dire ce soir  que vous n'oubliez pas Ingrid Bétancourt, qui entame ce soir sa 2192è nuit d'ébène au coeur de la jungle colombienne.
Récemment, ma collègue Nicole Fontaine, ancienne Présidente du Parlement européen, s'est rendu en Colombie. Elle a ainsi expliqué, dans une conférence de presse qui a eu lieu mercredi dernier à Strasbourg, d'avoir le sentiment que, je cite : "les choses bougent. Alors que depuis 6 ans rien ne s'était passé, 3 otages ont été libérés". Fin de citation. Les preuves de vie d'Ingrid Bétancourt ainsi que l'implication des pays voisins rappellent le bien fondé des efforts à poursuivre.
Arnaud Mangiapan, Président national du comité de soutien à Ingrid Bétancourt, a rappelé lors de la même conférence de presse que les comités de soutien aux otages en Colombie sont nombreux et pas seulement en France mais aussi en Italie, en Suisse et en Belgique. Il a souligné qu'on compte aujourd'hui plus de 3000 otages en Colombie, soit plus de 80% des otages dans le monde.
Avant de laisser la parole à Marie Boué, responsable du collectif pour Ingrid Bétancourt dans la Somme, soyez persuadés que votre geste de ce jour n'est pas une action dérisoire. Ingrid sait tout ce que vous faites pour elle et je voudrais à ce titre vous lire un extrait de la lettre qu'elle a adressé à sa famille il y a quelques semaines, constituant, avec une vidéo où on la distingue amaigrie, sa seule preuve de vie depuis l'année 2003 :
"Mon cœur appartient aussi à la France […]. Quand la nuit était la plus obscure, la France a été le phare. Quand il était mal vu de demander notre liberté, la France ne s’est pas tue. Quand ils ont accusé nos familles de faire du mal à la Colombie, la France les a soutenues et consolées. Je ne pourrais pas croire possible de sortir un jour d’ici si je ne connaissais pas l’histoire de la France et de son peuple. […] J’aime la France de toute mon âme […], j’admire la capacité de mobilisation d’un peuple qui, comme disait Camus, sait que vivre, c’est s’engager. […] [Puis s’adressant à Jacques Chirac et Dominique de Villepin] : toutes ces années ont été terribles mais je ne crois pas que je serais encore vivante sans l’engagement qu’ils nous ont apporté à nous tous qui, ici, vivons comme des morts. […] Je sais que ce que nous vivons est plein d’inconnues, mais l’histoire a ses temps propres de maturation et le président Sarkozy est sur le méridien de l’Histoire. Avec le président Chávez, le président Bush et la solidarité de tout le continent, nous pourrions assister à un miracle. Durant des années, j’ai pensé que tant que j’étais vivante, tant que je continuerais à respirer, je devais continuer à espérer. Je n’ai plus les mêmes forces, cela m’est très difficile de continuer à croire, mais je voudrais qu’ils sachent que ce qu’ils ont fait pour nous a fait la différence. Nous nous sommes sentis des êtres humains. Merci […].»
Au terme de cette lecture bouleversante, devant la plus haute cathédrale gothique du monde, fruit du travail et de l'Espérance des hommes, il est important de dire aussi qu'il est une nuit qu'Ingrid ne connaît pas : il s'agit de la nuit de la Foi.
Lundi dernier, j'ai été en contact téléphonique avec Fabrice Delloye, ex-mari d'Ingrid, grâce à un ami amiénois lié à M. Delloye par un lien familial. Il m'a confié qu'Ingrid était en train de mourir.
Chers amis, par votre geste ce soir, vous ferez sans doute mentir la citation de Louis-Ferdinand Céline : "La Vie, c'est ça, un bout de lumière qui finit dans la Nuit."
Puissions-nous par nos actes faire passer Ingrid de la Nuit à une lumière foisonnante...
(Discours prononcé samedi dernier 23 Février devant la cathédrâle Notre Dame d'Amiens).

11:30 Publié dans Monde | Lien permanent | Commentaires (0)

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