vendredi, 18 mai 2012
Vendredi Europe Express - Premier face à face Merkel / Hollande
Reportage. Si le style des deux dirigeants est proche, ils divergent fortement sur les options politiques et économiques à suivre en Europe, où l’idée de la croissance fait son chemin.
Cela a commencé par un coup de foudre, un éclair qui a touché l’appareil du nouveau président peu après son décollage le forçant à revenir à Villacoublay. «Un heureux présage» a dit Angela Merkel dont le premier rendez vous avec François Hollande a ainsi démarré avec un sérieux retard sur l’horaire prévu.
Mais la rencontre a finalement eu lieu avec l’image reprise par les télévisions d’un rayonnant nouveau couple franco-allemand. Homer a remplacé Merkozy. Un autre style, un autre genre. Ni bise claquée ostensiblement ou bras pétri longuement comme le faisait son prédécesseur. François Hollande n’est pas un tactile. Angela Merkel non plus. Même réserve et même calme apparent. Même refus de l’esbrouffe et de la pause. Même tenacité. Ils sont faits l’un pour l’autre. «Avec le même sens du dialogue, le même pragmatisme et le même soucis du consensus» note un diplomate.
Pragmatisme
Et c’est sous le signe du pragmatisme qu’a commencé cette première visite en oubliant les différends de la campagne et la claire prise de partie de la chancelière en faveur de Nicolas Sarkozy. Dés le 6 mai au soir, elle fut la première chef d’Etat ou de gouvernement à appeler le vainqueur l’invitant à Berlin dés son investiture. Pour François Hollande aussi la relation franco- allemande est la première de ses priorités. Mais il rappelé vouloir «une relation plus équilibrée et respectueuse des sensibilités des partenaires et des institutions européennes».
L’un et l’autre pendant la conférence de presse finale étaient aussi souriant avant le diner au huitième étage de la chancellerie dans les appartements privés d’Angela Merkel. «Nous avons fait connaissance et établi des methodes de travail» dit le président français. «En 60 minutes il y a eu des convergences et des positions un peu différentes mais sur la place publique on relève plus de différences qu’il n’y en a en réalité» assure de son côté la chancelière.
Pour la croissance
Il s’agit de lancer un message d’unité même si dans les faits les positions restent encore assez distantes. «Je suis pour le sérieux budgétaire et cela veut dire être pour la croissance car sans croissance quelque soient les efforts fournis nous n’atteindrons pas nos objectifs» insiste le président français. Son homologue ne tique pas sur le mot et elle rappelle qu’il figure aussi dans le traité budgétaire accepté par 25 pays de l’Union.
Le gouvernement allemand parle lui aussi maintenant de croissance, même s’il entend par là non pas par la dépense publique, mais des réformes de structure. Le président français lui veut aussi «des politiques tangibles». Des marges existent pour un compromis – notamment avec la création de project-bonds européen pour des investissements productifs, plus d’engagements de la Banque Européenne d’Investissement ou l’instauration d’une taxe sur les transactions financières.
Les lignes ont en effet bougé en Europe où nombre de chefs gouvernements même conservateurs comme l’espagnol Mariano Rajoy ou le britannique David Cameron insistent pour une relance. L’italien Mario Monti se propose même en médiateur entre Paris et Berlin. Et en Allemagne même la chancelière est sur la défensive alors que l’opposition social-démocrate remporte les unes après les autres les élections locales. Les deux capitales ont d’ailleurs annoncé qu’elles allaient «mettre sur la table lors du sommet européen du 23 mai sur la croissance les idées évoquées en commun».
Ayrault, agrégé d'allemand
Le choix de Berlin comme première capitale étrangère visitée par François Hollande président illustre le retour à une certaine normalité dans les relations du couple franco-allemand. A peine élu Nicolas Sarkozy avait en 2007 choisi Londres et il ne cachait pas sa méfiance vis à vis de l’Allemagne avant de faire une totale volte-face notamment avec la crise de l’euro en collant dés lors totalement à Berlin.
Le nouveau président connait un peu l’Allemagne et son premier ministre Jean-Marc Ayrault, agrégé d’allemand est un atout dans les relations avec Berlin. Mais il y a désormais un fossé croissant entre les deux pays. L’Allemagne avec la force de son économie s’affirme toujours plus comme une puissance mondiale et ne regarde plus exclusivement vers l’Europe ni vers une France perçue comme en déclin. A peine 18% des Allemands considèrent désormais ce pays comme le principal ami et partenaire. Ils étaient encore 40% en 2003. Le réequilibrage du couple franco-allemand ne sera pas simple.
(Source : Marc Semo - Le Point).
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