Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 11 mai 2012

Vendredi Europe Express - Strasbourg inflige un camouflet à trois agences de l'Union européenne

8cae04c095624e57fc5b28db0e967ff6.png

Le Parlement européen a voté, jeudi 10 mai en séance plénière, le report des "décharges budgétaires" de trois agences de l'Union : l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), l'Agence européenne du médicament (EMA) et l'Agence européenne de l'environnement (EEA).

Cette décision revient à ne pas leur donner quitus de leur gestion, pour l'exercice 2010. Elle constitue un cuisant camouflet, en particulier pour l'EFSA et l'EMA, épinglées pour une gestion contestable des conflits d'intérêts.

Ce vote intervient au lendemain de la publication d'un communiqué de l'EFSA annonçant le départ de sa présidente, Diana Banati, pour "prendre un poste à l'International Life Science Institute [ILSI]", poste "non compatible avec son rôle de membre et de présidente du conseil d'administration de l'EFSA". Mme Banati devient en effet directrice exécutive pour l'Europe de l'ILSI.

Cette organisation regroupe les principaux industriels de la pharmacie, de la chimie, de l'agroalimentaire et de la cosmétique. Elle se présente comme uniquement soucieuse de "fournir la science qui améliore la santé publique et le bien-être", mais les ONG la considèrent comme un lobby avant tout soucieux des intérêts de ses membres (PepsiCo, Monsanto, Unilever, BASF, Bayer, Nestlé, etc.).

CONFLITS D'INTÉRÊTS

Cette nouvelle affaire remet sur le devant de la scène les accusations récurrentes de conflits d'intérêts portées par les ONG et certains parlementaires européens contre l'agence basée à Parme (Italie), chargée d'évaluer la sécurité des éléments entrant dans la chaîne alimentaire (pesticides, additifs, résidus d'emballage, etc.).

L'histoire est en réalité ancienne. En septembre 2010, les liens de Mme Banati avec l'ILSI avaient été dévoilés par le député européen José Bové (Europe Ecologie), au cours d'une retentissante conférence de presse tenue à Bruxelles. Mme Banati, qui venait d'être reconduite à la tête du Conseil d'administration de l'EFSA, avait omis de déclarer qu'elle siégeait au conseil de direction de la branche européenne de l'ILSI. Après les révélations de M. Bové, elle avait quitté ce poste et était demeurée au sein de l'agence européenne.

Cela n'avait pas suffi à éteindre la méfiance. "Aujourd'hui, ce nouvel épisode montre que, au cours des deux années qui se sont écoulées, les liens de Mme Banati avec l'industrie sont demeurés intacts, dit M. Bové. C'est la preuve que nos protestations étaient fondées."

Les ONG ne sont pas en reste. "Il est totalement inacceptable que Mme Banati puisse aller directement d'un poste aussi important au sein d'une autorité de régulation à un poste de lobbyiste", a pour sa part commenté Nina Holland, responsable de Corporate Europe Observatory (CEO).

De son côté, la députée européenne Corinne Lepage (Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe) dit, dans un communiqué, se "féliciter" du départ de Mme Banati, "dont l'implication au sein de l'ILSI est dénoncée depuis deux ans comme un cas flagrant de conflit d'intérêts". "J'encourage l'agence à prendre d'autres mesures pour mettre fin aux situations similaires de conflits d'intérêts impliquant l'ILSI au sein des panels scientifiques et des groupes d'experts", ajoute Mme Lepage.

La directrice générale de l'EFSA, Catherine Geslain-Lanéelle, conteste vivement cette lecture et met en avant les renforcements apportés depuis deux ans à la politique d'indépendance de l'agence. "L'an passé, à 356 reprises, des scientifiques ont été écartés d'une expertise en raison de leurs liens d'intérêts", fait-elle valoir.

Le départ de Diana Banati pour l'ILSI est intervenu au pire moment pour l'agence européenne. Fin mars, la commission du contrôle budgétaire du Parlement européen avait déjà demandé le "report de la décharge budgétaire" de l'EFSA pour l'exercice 2010.

REPORT DE LA DÉCHARGE BUDGÉTAIRE DE L'EFSA

Les griefs formulés par la rapporteure, la députée européenne Monica-Luisa Macovei (Parti populaire européen), tiennent précisément à la question des conflits d'intérêts. Son rapport rappelle ainsi que Mme Banati avait omis de déclarer ses liens d'intérêts avec l'industrie en 2010.

Très sévère, il "rappelle à [l'EFSA] que les règles régissant les déclarations d'intérêts devraient également être accompagnées d'une série de conséquences à appliquer lorsque ces règles ne sont pas respectées", et souligne que l'agence "devrait se concentrer sur l'intérêt public dans sa prise de décision indépendante, en tenant compte de toutes les données et informations pertinentes". Ce "report de la décharge budgétaire" de l'EFSA, a finalement été rendu effectif par le vote du Parlement en séance plénière.

"Je me réjouis du vote du Parlement, dit au Monde Mme Lepage. Il y a deux ans, nous n'étions pas plus d'une vingtaine à avoir coté le report des décharges de l'EFSA, nous étions quelque 150 l'an dernier, aujourd'hui, le report a été adopté à la majorité : cela montre que nous pouvons penser sur les règles du jeu et contribuer à les changer."

"Les conflits d'intérêts au sein d'agences européennes en charge de la santé des citoyens sont devenus une évidence que le Parlement n'accepte plus", a pour sa part commenté M. Bové qui a appelé l'agence à "se réformer en profondeur".

Toutefois, Mme Lepage indique qu'à ses yeux, le report de la décharge budgétaire de l'EEA n'a pas la même valeur que ceux de l'EFSA et de l'EMA, ces deux dernières étant en situation d'émettre des opinions sur des produits (médicaments, additifs alimentaires, OGM, etc.), ce qui n'est pas le cas de l'EEA.

 

(Source : Le Monde).

Les commentaires sont fermés.