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vendredi, 10 décembre 2010

La construction européenne : actualité de la déclaration de Robert Schuman

robert-schuman.jpgPourquoi les chrétiens devraient-ils s’engager dans les affaires de la vie publique ? Comment contribuer, en tant que chrétien, à la vie politique aujourd'hui, et notamment à la construction européenne ?

Du partenariat à la communion : actualité de la déclaration de Robert Schuman, par frère Paul-Dominique Masiclat, o.p.

Résumé d'une conférence donnée à Strasbourg le 8 novembre 2010

Pourquoi les chrétiens devraient-ils s’engager dans les affaires de la vie publique ? Comment contribuer, en tant que chrétien, à la vie politique aujourd'hui, et notamment à la construction européenne?

L'ambition de Robert Schuman. La déclaration du 9 mai 1950 était plus qu'un plan de développement industriel et économique. Il fallait changer le vivre-ensemble européen, reconstruire l'économie de marché mais surtout éliminer une fois pour toute la possibilité même d'une nouvelle guerre européenne. Robert Schuman, Jean Monnet et une poignée d'autres hommes politiques, forts de leur foi chrétienne ou leurs convictions humanistes, ont élaboré un nouveau type de relations internationales pour l'Europe. Il n’y aura plus les vainqueurs arrogants face aux humiliés. Schuman parle d'une « réhabilitation morale » de l'Allemagne et d'une « politique nouvelle » pour l'Europe en général.  Pari réussi avec l'adhésion de six pays, pour commencer, à la Communauté européenne de charbon et d'acier (CECA) en 1951 : France, Allemagne Fédérale, Italie et les trois pays du Benelux. Ce fut le début d'un processus de pacification, de réconciliation, de développement économique et de construction d'une communauté unie à l'échelle d'un continent. Une structure nouvelle fut créée pour garantir la pérennité de cette nouvelle façon de traiter avec les pays voisins : la Haute Autorité, une instance supranationale. Ce fut là une innovation mondiale dans la sphère politique, bien que la nature de cette supranationalité restât mal définie.

Evolution, élargissement, heurts.
En soixante ans, la CECA a laissé la place à d’autres structures. Il y eut la Communauté économique (CEE) en 1957 puis, avec le Traité de Maastricht de 1992, l'Union européenne avec un Parlement européen. Composée de 6 membres au départ, l’Europe est arrivée par étapes successives jusqu’à 27 pays membres actuellement. L'évolution ne s'arrête pas là puisque le processus d'intégration dans l'Union européenne suit son cours pour un certain nombre de pays candidats. Elle a réalisé au moins deux grands projets : la création d'une monnaie européenne et la libre circulation des biens et des personnes dans un espace règlementé (l'espace Schengen). Ces projets-là demeurent : l'espace euro comme l'espace Schengen sont susceptibles de s'élargir à l'avenir. Cependant, l'Europe semble stagner. Elle se heurte encore au problème de la supranationalité. Il semble que le bien commun européen fasse figure d'un seuil plutôt que d'un défi. L'Europe peine à doter les intérêts européens d'une véritable parité face aux intérêts nationaux. L'Europe se résumerait-elle alors en une simple aire de commerce ?

La construction européenne : un projet sans pareil
Une excursion hors des frontières de l'Union européenne permet de prendre du recul face à un sentiment de déception générale et de mieux apprécier les atouts uniques du projet européen. Car d'autres régions du globe ont imaginé des projets d'union et de développement économique. Une région dont le plan de développement partage plusieurs traits avec l'UE est l'Asie du sud-est. En 1967, en pleine guerre du Vietnam, 5 pays fondent l'ASEAN, une organisation politique, économique et culturelle. Son but avéré est de contenir la guerre et la menace d'invasion communiste, de développer la croissance économique et d’assurer la stabilité politique. L'ASEAN a adopté la présidence par pays à tour de rôle. Elle a connu des étapes d'élargissements successifs : de 5 pays fondateurs (l'Indonésie, les Philippines, la Malaisie, Singapour et la Thaïlande) elle est passée progressivement à 10 avec le Brunei, le Cambodge, le Laos, Myanmar et le Vietnam, puis à 10+3, la Chine, le Japon et la Corée du Sud siégeant comme membres avec un statut particulier. Or, nulle instance supranationale, nul accord monétaire pour l'ensemble. Rien n'est tenu en commun, même pas la démocratie, malgré d’importants efforts de collaboration et de rapprochement. L'on alors voit que l'Europe a su innover dans le domaine des relations internationales. Elle a fait preuve de créativité sociopolitique pour inventer des structures qui n'ont d’équivalent nulle part ailleurs.

De la communauté à la communion
L'on a dit qu'il faut une âme à l'Europe. Les hommes ne peuvent créer une âme, mais ils peuvent faire œuvre de communion pour que l'Europe soit vivifiée à nouveau. Qu'est-ce que la communion ? Pour les chrétiens, c'est sans doute une réalité spirituelle d'abord, le lien sans faille d'amour entre Créateur et créatures, entre l'unique Père et sa multitude d'enfants baptisés partout dans le monde, rassemblés en un seul corps, le corps du Christ. Dans le registre de la foi, les chrétiens connaissent et vivent la supranationalité tous les jours. La communion de foi unit des peuples dans une communion ecclésiale sans se soucier d'identités nationales, de passeports ou de visas. Cette communion spirituelle entre baptisés, c'est la catholicité au sens propre du terme.
En régime de laïcité des Etats, il appartient aux croyants aussi, comme à chaque homme et à chaque femme de bonne volonté, de faire exister la communion au plan sociopolitique. Là où ils vivent - dans leur paroisse, leur quartier, leur ville - là se trouve un champ à labourer pour la communion. Tel un grain de blé, la communion est semée en terre. De la base de la société - les entités locales - jailliraient alors des plants de solidarité et d'entraide, d'égale dignité, de justice, de proximité, de liberté, de sécurité et de paix. Ces plants pourraient monter alors jusqu’au registre de la politique internationale pour concrétiser une Europe plus unie, une communion des citoyens. Répandue de paroisse en paroisse, de quartier en quartier, de ville en ville et de nation en nation, cette communion serait comme une nappe phréatique d'eau vive irrigant l'Europe à la base. Ainsi les citoyens croyants sauront-ils participer pleinement à la construction européenne. Le Plan Schuman reste d'actualité. Il s’agit de la réhabilitation morale de tout le projet européen. Ce projet est un chantier en cours. La moisson d’unité et de communion est abondante. Les chrétiens sont éminemment qualifiés pour moissonner un bien si précieux.

(Source : La Vie).

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