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vendredi, 16 octobre 2009

Turquie-Arménie : le grand perdant est...la diaspora arménienne

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C’est une signature en or qui a été apposée, le 10 octobre à Zurich, en bas du protocole entre Turcs et Arméniens. Croyez bien que nous ne saisissons pas encore toute l’importance et toute la dimension historique de cet événement. Nous nous perdons encore dans des discussions sans lendemain en nous interrogeant sur l’avenir de ce processus. En agissant de la sorte, nous nous trompons. Ce n’est qu’après avoir laissé passer un peu de temps que nous comprendrons toute la portée de cette signature qui sera certainement qualifiée plus tard de “signature en or”. On se rappellera la photo des deux ministres des Affaires étrangères se serrant la main et non pas du désaccord sur les discours accompagnant cette cérémonie. En fait, tout est dans la photo : Edvard Nalbandian, le ministre des Affaires étrangères arménien qui tire la tête tandis que son homologue turc Ahmet Davutoglu affiche un large sourire. C’est cela qui restera dans les mémoires. Ce protocole a créé une sorte de jurisprudence entre les deux pays.

A partir de maintenant, les Arméniens ne pourront plus agir uniquement à leur guise. Dans une course qu’elle négligeait depuis longtemps et où elle restait donc à la traîne, la partie turque a pour la première fois comblé son retard. Désormais, le jeu ne se déroule plus seulement selon des règles établies par les Arméniens. Celles-ci ont changé. On se trouve dans une situation qui n’est pas sans rappeler l’année 2004, lorsque la Turquie s’était débarrassé d’un poids encombrant en acceptant le plan des Nations unies (plan Annan) sur Chypre. Pour la première fois, la Turquie se trouve à égalité avec la diaspora arménienne sur la question arménienne. Avec ce protocole, une étape tout à fait essentielle dans la recherche d’une “juste mémoire”, comme disait Paul Ricoeur, a été franchie. Cette “juste mémoire”, c’est précisément ce que la Turquie cherchait depuis des années sans parvenir à la trouver.

La diaspora arménienne a mis sur pied depuis longtemps un mécanisme sophistiqué de pression sur la Turquie. Les Arméniens vivant à l’extérieur de l’Arménie ont ainsi adopté une attitude beaucoup plus dure que ceux de l’intérieur. Mieux organisés, plus riches et profitant d’une certaine indolence turque, ils ont réussi à mettre la Turquie en difficulté sur la scène internationale, notamment en finançant l’organisation terroriste Asala et en portant les allégations de génocide au niveau international. Ils ont fait apparaître la question arménienne au grand jour. Malheureusement, c’est en usant de méthodes terroristes et en assassinant 42 diplomates turcs qu’ils ont fait entendre leurs voix. L’opinion turque a alors, elle aussi, commencé à débattre pour la première fois de la question arménienne. Les Arméniens n’en sont pas restés là et ont convaincu les parlements de plus de 100 pays que les Turcs avaient commis un génocide et qu’ils devaient être condamnés pour cela. Grâce à une campagne de propagande menée avec brio, ils ont mis la Turquie et les Turcs dans une situation telle que ceux-ci étaient pratiquement sur le point d’être pendus. Il s’en est fallu de peu. C’est alors que cette “signature en or” est arrivée et que la diaspora arménienne a connu sa première défaite.

Erevan, et en particulier le président arménien Serge Sarkissian a joué un rôle essentiel dans cette évolution. Il a en effet agit malgré la diaspora arménienne. Néanmoins, si la Turquie se mettait maintenant à pousser des cris de victoire et à développer toute une littérature inutile allant dans ce sens, elle risquerait de perdre tous les avantages obtenus jusque là. N’oublions pas que la mise en œuvre de ce protocole prendra des années et exigera une diplomatie tout en finesse. Dans ces conditions, il convient d’éviter toute déclaration officielle méprisante à l’égard du gouvernement arménien, ainsi que toute attitude susceptible d’enflammer la diaspora arménienne. Idem vis-à-vis de nos frères azéris qu’il ne faut pas exciter avec des prises de positions maximalistes. Nous entrons maintenant dans un processus délicat, mais quoi qu’on puisse en dire, la Turquie, en signant ce protocole, a vraiment fait le bon choix.

 

(Source : Courrier International).

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