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lundi, 14 juillet 2008

La mort d'un immense Européen

L'ancienne figure de Solidarité est décédée, hier, à 76 ans, dans un accident de voiture. Il était l'un des symboles de la dissidence polonaise sous le régime communiste.

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Bronislaw Geremek a gagné son dernier combat. Un combat contre la loi de lustration, cette chasse aux sorcières orchestrée, l'an dernier, par les frères Kaczynski. Au nom de la « décommunisation » polonaise, la droite conservatrice avait imposé à 700 000 Polonais de certifier n'avoir jamais collaboré avec la police politique sous le régime communiste. Pour les réfractaires, c'était l'éviction immédiate et l'interdiction d'exercer pendant dix ans.

Contre cette « injustice », Bronislaw Geremek avait fait entendre sa voix : « c'est une loi qui viole les droits de l'homme, qui divise la société, qui salit les élites et introduit l'incertitude dans la vie des citoyens » s'était-il exclamé, devant le Parlement européen, le 23 avril 2007. De ce bras de fer, il était sorti vainqueur, la Cour constitutionnelle ayant invalidé la loi. Le Parlement européen, auquel il a été élu en 2004, s'était d'ailleurs solidarisé avec lui. Il en était devenu l'un des membres prestigieux : héros de la lutte du syndicat anticommuniste Solidarité, principal conseiller de Lech Walesa (dont il s'éloignera plus tard), emprisonné treize mois sous « l'état de siège » en 1982, symbole de la transition politique en 1989, et ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2000.

Il croyait en l'Europe

Bronislaw Geremek a péri, hier, dans un accident de voiture près de Lublin, dans l'ouest de la Pologne (sa voiture a percuté un minibus). Être singulier , opposant irréductible au communisme, il était aussi un défenseur acharné de son pays. Un homme de principes pour qui la morale comptait en politique : « Les Kaczynski sont arrivés par les urnes, et je suis fier de cette démocratie. J'espère qu'ils seront rejetés par les urnes » déclarait-il, s'opposant frontalement aux jumeaux ultraconservateurs qui occupaient alors les postes de Président et de Premier ministre de la Pologne.

Même dans cette tourmente, l'ancien cadre de Solidarité ne s'était pas départi de son extraordinaire optimisme. Il avait confié à notre confrère Patrice Moyon, croire beaucoup « à la génération Jean-Paul II pour sortir la Pologne de la tentation du réflexe nationaliste ».

Il ne s'était pas trompé, puisque quelques semaines plus tard le parti des Kaczynski avait été battu aux élections. Lors de cet entretien, l'historien qu'il était avait tenu à souligner tout ce que la France lui avait inspiré, à travers le mouvement personnaliste d'Emmanuel Mounier et la revue Esprit. Il avait aussi rappelé le soutien que lui avait apporté Ouest-France, dont il était un grand ami, lors de son emprisonnement.

En Pologne, Bronislaw Geremek était respectueusement appelé « le professeur ». Issu d'une famille juive, il fut parqué avec sa mère dans le ghetto de Varsovie. Son père mourra à Auschwitz, lui s'en sortira. En 1950, à 18 ans, Geremek rejoindra le Parti communiste : il croit au « socialisme à visage humain ». Ni juif, ni croyant, ni athée, Geremek était un croyant européen.

Lors de son combat contre la loi de lustration, il se cramponnait à son siège de parlementaire européen affirmant que « jamais » il ne démissionnerait. Une bataille de plus ne l'impressionnait pas. Il avait quitté le PC en 1968 après l'écrasement du Printemps de Prague par les chars soviétiques, et après la purge antisémite déclenchée en Pologne à la suite de la révolte étudiante. « Dissident d'un jour, dissident toujours » aimait-il répéter.

 

Aude ROUAUX (Ouest-France).

 

15:21 Publié dans Europe | Lien permanent | Commentaires (0)

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